Démystifier l'imagination et le surnaturel




L'imagination est souvent attribuée à l'irréel, l'incertain, l'insaisissable.



Nombreux sont les gens qui oublient qu'elle est une construction sociale. Et qu'elle est en quelque sorte une réalité humaine. Les sociétés dites "primitives" étaient régies par des contes, des histoires "divines", des mythes. Pour reprendre Mircea Éliade, qui a étudié avec finesse les mythes dans son ouvrage les aspects du mythe, soutient l'idée que ces sociétés ont fabriqué leurs propres mythes qui déterminent les rapports des humains, pendant que l'impression s'est dégagée en faisant croire que ce sont les mythes qui auraient créé la société. Les êtres humains respectaient tellement les mythes à un point tel que l'on penserait que ce sont les mythes qui produiraient la société. Or c'est l'inverse. Les mythes pris comme imaginaire avaient à ce moment une valeur pratique en ce qu'ils définissent la manière de vivre des humains en société. Les humains ne les conservèrent pas comme des histoires imaginaires, irréelles, mais plutôt divines, suprêmes.

L'imagination n'est peut-être pas la réalité ambiante, concrète, mais expliquerait une certaine réalité. Elle tiendrait son fondement dans une quelconque réalité teintée parfois d'un surréalisme fictif. Le fait d'imaginer quelque chose serait déjà une possibilité de sa réalisation. L'on ne peut pas imaginer quelque chose en dehors de tout contexte humain. D'ailleurs, en se référant à Maurice Godelier (l'énigme du don), dans sa lecture de Marcel Mauss et Claude Lévi-Strauss sur le symbolique et l'imaginaire, Godelier affirme, à l'inverse de ces auteurs, que les hommes imaginent d'abord leur rapport avant de les matérialiser, donc avant de les symboliser. L'imaginaire aurait précédé en quelque sorte le symbolique. Cela dit, l'imagination est une construction humaine, qui pour être concrète, nécessite matérialisation. 

Partant du credo des présocratiques, "tout est naturel", l'on pourrait faire une digression que l'imagination est naturelle, et en dernier ressort "réelle". Réelle en ce qu'elle traduirait une réalité qui, toutefois, n'est pas saisissable, palpable à première vue. Par ailleurs, ce "réel" requiert tout un processus pour pouvoir être matérialisé en se  référant à Godelier. Dit autrement, dans une dimension réflexive, il n'y aurait pas de surnaturel, et que s'il y en a, c'est qu'il serait aussi naturel. Pourtant, certains croient qu'il existerait un espace ou un endroit surnaturel, lequel échapperait à la "compréhension humaine". Cet espace, dit-on, n'est pas pénétrable à tout le monde. Alors que ce sont des êtres humains qui en parlent. Le "surnaturel", au même titre que l'imagination, est un construit humain visant à doter et à catégoriser toute réalité qui n'est pas démontrable sous l'angle de l'empiricité et de la factualité capable d'aider à l'esprit de la saisir concrètement. Toutefois, l'être humain le représente sous quelque forme que ce soit. 

Même l'artiste qui fait appel le plus souvent à l'imagination dans son travail ne  peut pas faire la représentation d'une situation tout à fait inhumaine, la représentation de l'artiste de cette situation est souvent caricaturale, abstraite, tragique, ou complexe. Toutefois, donner une explication claire et précise de son œuvre peut s'avérer être un exercice difficile par le fait que l'imagination n'est pas toujours compréhensible. C'est pourquoi plusieurs interprétations peuvent se faire d'une seule œuvre. L'artiste peut décrire quelque chose qu'il n'a jamais vécu lui-même en tant qu'individu. Mais cela ne veut pas dire que cette "réalité imaginaire" ne relève pas du domaine humain. L'on ne sait pas toujours pourquoi l'on imagine certaines choses. Ou d'où vient l'imagination ?


Si des êtres naturels parlent du surnaturel voudrait tout aussi dire que le surnaturel a une quelconque explication naturelle (humaine). Et que le surnaturel nous permet de l'appréhender à notre manière. L'enjeu résulte en ce que notre incompréhension de certaines choses qui parfois se réalisent dans notre environnement physique, social et dans notre psyché nous obligent à doter cet évènement d'une caractéristique "précise". Mais une fois que nous sommes dans l'incapacité de faire cette dotation, nous nous renvoyons à des explications métaphysiques et abstraites. L'être humain parvient à catégoriser sous le mot de miracle tout ce qu'il trouve ou estime dépasser son entendement, qui pourtant se réalise dans son environnement. Le mot miracle, exemple parfait de ce type de dotation, expliquerait parfois un sentiment désespéré face à une situation extrêmement compliquée où l'on ne voit pas, à première vue, un issu, mais qui au final s'est résolue sans que l'on puisse l'expliquer en des termes clairs.  

Si des humains arrivent à savoir qu'il existerait un monde invisible, c'est que l'invisible n'est aussi invisible comme on le sous-entend et qu'il est visible pour certains.

Notre rapport avec tout ce qui nous entoure nous renvoie à des abstractions qui nous préoccupent. Et l'être humain ne partagerait pas l'idée de ne pas tout contrôler et comprendre. Cette situation qui se lie, dans un certain sens, une obsession, fait que l'être humain s'est livré à toute sorte de méthode pour avoir l'impression qu'il contrôle tout. Il est important de se demander comment des êtres humains, c'est-à-dire des êtres naturels, pourraient-ils savoir l'existence d'un espace surnaturel et même y visiter? Comment des êtres visibles arriveraient-ils à visiter un monde invisible ? Où se trouve ce monde ou cet espace surnaturel ? 

Supposons que tout serait une construction de l'être humain, l'on pourrait se demander: pourquoi l'être humain comme être naturel aurait inventé ou imaginé le surnaturel ? Dans la quête constante de rendre sa vie plus vivable, l'être humain utilise, parfois au péril de sa propre vie, des méthodes pour faciliter et satisfaire cette envie. Lesquelles méthodes ont aussi des effets néfastes sur lui. En voulant améliorer sa vie l'être humain la détériore aussi. 

Toute explication de l'univers vient de l'être humain. Il produit des explications dans le but de mieux comprendre et d'avoir le sentiment d'être l'espèce la plus douée de la nature tout en étant capable de la dominer. Ce faisant, nous émettons des discours parfois absurdes par rapport à notre incompréhension, notre ignorance de certaines réalités qui auraient échappé à notre entendement. L'insatiabilité de l'être humain d'expliquer avec autant de précision des réalités qui ne sont pas toujours palpables le renvoie parfois à des "absurdités". Malgré,   les moyens les plus sophistiqués dont il dispose au fil du temps, sa capacité à faire appel à la raison,  l'être humain ne s'échappe pas à des idées farfelues à propos de certaines situations. L'imagination et le "surnaturel" procurent quelque fois un certain de réconfort chez l'être humain. Il se renvoie dans un au-delà pour essayer de dépasser ses problèmes réels et y trouver des solutions. Il s'imagine des choses pour se satisfaire et contempler un univers différent du sien. 
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Francisco BONHOMME
bonhommefrancisco@yahoo.fr

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